Brad et Satchel, le retour masqué...
On a tous, j'imagine, dans nos cartons, des groupes et albums absolument marquants qui n'en ont pas moins été des flops retentissants. Quand on est tout seul dans le cas pour un artiste précis, cela doit être qu'on déraille. Quand on est plusieurs, on parle alors de groupes "cultes".
Donc, avant même de commencer à parler de Satchel et Brad, je vous poserai la question, incitant au commentaire (c'est pas si souvent!). Est-ce que je suis tout seul sur ce coup, à considérer que Shame de Brad et EDC de Satchel font partie des cinquante ou cent meilleurs albums des nineties? Et, subséquemment, suis-je seul à découvrir que les deux groupes de Seattle viennent de sortir des albums autoproduits (celui de Satchel n'est pas facile à trouver)? Suis-je seul conséquemment à m'étonner d'un tel anonymat pour de si grands groupes?
Bon, revenons-en à nos moutons. Et, tout d'abord, purgeons un malentendu. Encore aujourd'hui, les deux groupes portent l'étiquette "grunge". Sans nier que quelques traces en apparaissent dans des passages énergiques de leur musique, il faut bien dire que l'étiquette semble surtout provenir de la présence de Stone Grossard, guitariste de Pearl Jam, comme membre de Brad et comme producteur de Satchel, d'autres musiciens appartenant à la fois aux deux groupes.
L'histoire est celle-ci : Satchel se crée en 1992. Avant même tout enregistrement, Stone Gossard débauche deux musiciens, dont le chanteur Shawn Smith, pour créer Brad. Trois albums en résulteront en 1993, 1997 et 2002 dont le premier, Shame, est un chef d'oeuvre (d'après moi) qui restera très confidentiel. Entre 1994 et 1996, Gossard assumant le succès de Pearl Jam, les deux autres musiciens sont retournés à Satchel et ont pu sortir deux chefs d'oeuvre (d'après moi) qui resteront aussi confidentiels (dont EDC en 1994, que je ferais allègrement figurer dans mes vingt meilleurs albums des nineties).
Ainsi, même si, aujourd'hui, des recherches sur les groupes sur Internet risquent de vous emmener sur des forums grunge ou de fans de Pearl Jam, Stone Gossard n'est pas la personnalité marquante des deux groupes. Au contraire, c'est le chanteur Shawn Smith, dont la voix et les harmonies qui l'accompagnent sont identifiables au dixième de seconde. Sans renier des passages musclés identifiables grunge -voire hard rock léger-, le divin et unique cocktail est marqué par l'organe soul de Smith ainsi que par ses influences avancées que sont Prince, Elton John et Led Zeppelin. Au final, on obtient un son assez unique et une structure proche des albums (de la bonne période) des années 70. Autrement dit, pas monomaniaque : quand Shawn Smith se met au piano pour la ballade de service, vaut mieux sortir les mouchoirs, tout en restant prêt à remonter au plafond dans les minutes qui suivent...
Vous l'aurez compris, je ne suis pas idéalement placé pour juger objectivement ces albums-ci. Disons qu'ils sont un cran en-dessous des initiaux. Un poil lourdaud, le son d'époque aussi! L'album de Brad était en fait prêt à être sorti en 2006. Il est le plus produit alors que, dans le passé, Satchel était le plus "atmosphérique". Mais, bon, le Satchel, c'est vraiment de l'autoproduction, ce qui explique peut-être le côté plus "live" et très carrément rentre-dedans, voire hard...
Pour les fines bouches, Shawn Smith est aussi la base de Pigeonhed, un projet plus electro où il exprime plus originalement son amour de Prince...
Je ne suis pas seul : un francophone sur XSilence est amoureux des albums de Satchel : EDC (19/20) et The Family.
50 secondes de ballade à la Shawn Smith (du nouvel album de Brad)
Le seul truc acceptable de Satchel sur You Tube : Suffering, le dernier morceau de EDC (1994)